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J'avais quatre ans, mon papa était parti...
8 février 2006

Où le doute s'installe.

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Mon papa, Lucien (camp de prisonniers en Allemagne)

Dans les jours qui suivent, maman retrouve un peu le sourire. Elle vient de recevoir des nouvelles d'Allemagne. Dans son courrier, en partie censuré, papa lui apprend qu'il vient d'être affecté à un autre stalag. Pour la nuit, rien de changé ; mais la journée il part travailler dans une ferme. Là aussi, les hommes sont à la guerre. Les deux femmes restées seules, sont très gentilles avec lui ; de plus, ce sont de très bonnes cuisinières, et les repas sont abondants. Maman est soulagée : papa est en sécurité, il va trouver le temps moins long, et il mange bien.

Ici, de jour en jour, la situation devient de plus en plus tendue. Paris vient d'être occupé par les allemands ; Vichy, devient la capitale de la France. Déjà, beaucoup de réfugiés, à bout de forces, démoralisés, arrivent dans nôtre région. La solidarité joue à fond. A chacun on trouve un toit. Il est vrai que bien des maisons sont vidées de leurs habituels locataires. Certains, sont partis en revêtant l'uniforme, d'autres, nombreux, ont rejoint le maquis. Dans nôtre école, apparaîssent de nouvelles têtes ; blondes, pour la plupart. Des bruits circulent, comme quoi des rafles sont effectuées, pour traquer les personnes de confession juive. Tous ces gens, en butte à l'intolérance et à la persécution se cachent ou tentent de fuir. Du jour au lendemain, mon copain Jacob, nous demande de l'appeler dorénavant Jacquot ; ses parents, propriétaire d'un magasin de confection ont, soi-disant, avec l'aide de hauts-fonctionnaires, réussi à changer leur patronyme. Dans le quartier, chacun craint que cet "arrangement" parvienne aux oreilles des services de police ou de gendarmerie, maintenant sous les ordres du gouvernement de Vichy, lui-même, mis sous tutelle par l'occupant. Quant aux dénonciations, anonymes bien sûr, elles deviennent de plus en plus courantes.

La France est maintenant divisée en deux zones : l'une, dite occupée, l'autre, c'est nôtre cas, libre.

Cet avantage n'est que superficiel.

En effet, l'administration en place vient de créer un service : la milice. En uniforme bleu marine, blouson, pantalon de golf, chaussures montantes, grand béret, style chasseur alpin, et la mitraillette à la hanche, c'est un peu une seconde police. Pour la plupart, ce sont des jeunes galopins en rupture de lycée. Ils traitent les habitants avec morgue et mépris, et exigent au moindre contrôle, la nouvelle carte nationale d'identité, pour vous autoriser à poursuivre votre chemin.

Leurs excès de zèle n'inspirent pas la confiance.

Mais le plus à craindre, c'est la gestapo. Véritable service de renseignement nazi, instrument redoutable du règime hitlèrien : sans foi, ni loi. Sa tâche principale consiste à traquer tous les juifs, de les arrêter et de les expédier dans des camps de concentration, voire d'extermination.

Si la plupart de ces sbires sont allemands, il y a malheureusement aussi des français. Connaissant le terrain, ayant des sources d'information dans beaucoup de milieux, ils débusquent les partisans et ceux qui les protègent. Le pire est à attendre pour tous ces malheureux, qui seront remis aussitôt aux autorités allemandes.

Chez eux, pas d'uniforme, pas d'arme apparente. On les reconnaît tout de même à leur feutre mou, à la veste en cuir, ou à l'imperméable serré à la ceinture.

Mais, le plus à redouter, c'est la méfiance, le soupçon, cet état d'esprit, qui semble habiter beaucoup de gens. A quoi cela peut-il aboutir ?

Bizarrement, puisque nous sommes en zone libre, des blockhaus en béton sont érigés aux croisements des grands boulevards ; des chevaux de frise sont installés tout autour. Il nous semble que toute la ville est maintenant divisée en secteurs. Là-aussi, soi-disant, il faudrait avoir des raisons sérieuses ou reconnues comme telles pour passer de l'un à l'autre.

C'est l'incertitude totale.

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