L'époque des restrictions

Comme tous les autres français, la population limougeaude essaie de s'organiser pour faire face, avant tout, à la raréfaction des aliments de base, tels que le beurre, le sucre, les oeufs, la viande, le pain, etc, etc...

Les ménagères déploient des trésors d'imagination pour assurer à chaque foyer des repas, encore dignes de ce nom.

Ce n'est pas toujours facile.

En effet, une multitude d'ersatz remplacent les aliments habituels : la saccharine tient lieu de sucre, l'orge grillée remplace le café, la margarine, beaucoup moins raffinée qu'aujourd'hui, donne un peu, l'illusion du beurre.

Ce n'est pas encore la famine, mais le début de la disette grandissante, tenace et omniprésente.

Le régime "topinambours" fait maintenant son apparition. Cet hélianthe dont le tubercule, peu exigeant en soins, résistant aux plus grands froids et, qui peut être conservé de manière durable, se retrouve souvent sur les tables, assaisonné à toutes les sauces. De plus, ses feuilles séchées dans la chaleur des greniers, offrent aux fumeurs la possibilité "d'en griller une", le tabac, lui aussi étant devenu une denrée rare.

Devant les magasins, les queues sont interminables. Les dernières à attendre n'ont, pour ainsi dire, aucune chance d'être servies. Les plus courageuses ou les plus débrouillardes, réussissant à franchir les barrages en prenant des très gros risques, effectuent des kilomètres, à pied bien sûr, pour trouver des aliments disparus de tous les étals.

Les tickets de rationnement, entrés en fonction depuis quelques temps déjà, sont distribués avec parcimonie ; au compte-gouttes.(photo ci-contre)

Les plus malins, ou manignes, voire les plus "introduits" arrivent à se faire établir de fausses cartes d'identité en vue d'obtenir ces fameux "bons de ravitaillement".

Sur la place, grand-mère qui maintenant assure seule la bonne marche du commerce, éprouve moultes difficultés à s'approvisionner en marchandises. Les rares produits qu'elle peut acheter chez les grossistes, arrivent, même si cela peut paraître paradoxal, de pays étrangers. En particulier, les agrumes, qui proviennent d'Espagne ou d'Afrique du Nord.

Un nouveau légume fait son apparition sur le marché, ainsi que dans quelques épiceries encore ouvertes : c'est le rutabaga. Rustique, à l'exemple du topinambour, pas trop cher, il permet d'agrémenter les soupes.

Bien souvent, très souvent même, un retour en arrière s'impose : c'est à nouveau le troc ; entre commerçants cela se révèle assez facile, "tu me donnes ceci, moi, je te céde cela". Dans nôtre situation personnelle, cela est fréquent. Nous n'avons pas à nous plaindre. Egoïsme, quand tu nous tiens ! Mais qui, à nôtre place, agirait autrement ?

Les rares voitures, non réquisitionnées, roulent au gazogène. (traction avant fonctionnant au gazogène)